Il me revient de vous faire part de nos réflexions concernant l’écosocialisme. Je crois pouvoir vous dire qu’il y a une belle unanimité entre les sections, pour voir enfin la dimension environnementale prise en compte dans notre cadre idéologique. Il y a également unanimité des sections pour considérer que l’environnement ne doit pas être un gène vert supplémentaire ajouté à notre génome socialiste, juste pour nous donner bonne conscience ou nous mettre dans l’air du temps.
Il s’agit d’oser une refondation de tous les terrains de lutte qui nous sont chers, et d’oser affirmer notre manière propre d’envisager un nouveau modèle économique et social qui tienne compte d’un avenir que nous permettrons aux générations futures de s’approprier.
Car c’est bien le capitalisme qui, dès l’origine, toujours motivé par le profit à court terme, a utilisé les ressources naturelles sans se préoccuper de leur renouvellement et a pollué à tout va, en considérant les dégâts comme des dommages collatéraux inévitables de la prospérité. C’est aussi le capitalisme qui a spolié et spolie encore aujourd’hui certains peuples de leurs ressources, au bénéfice de richesses créées et non équitablement partagées.
C’est enfin le capitalisme qui a opéré le virage de la globalisation, en augmentant encore les inégalités.
En ce sens, lutter pour un modèle de développement durable, c’est d’abord lutter pour construire un monde plus juste, ce qui constitue vraiment notre ADN. En rendant ce monde plus habitable et plus accueillant pour tous, nous élargissons seulement la perspective. Nous n’avons dès lors pas besoin d’un gène vert, nous avons besoin d’une mutation génétique globale, essentiellement pour que la prise en compte du long terme et du caractère transversal du développement durable renforce toutes les politiques que nous souhaitons mener.
Aujourd’hui nous sommes au pied du mur, face à des urgences absolues, en termes de climat et d’épuisement des ressources. Promouvoir un développement « durable », c’est une question de survie pour tout le monde, à droite comme à gauche.
Mais pour les socialistes, défendre le développement durable, c’est d’abord lutter contre la logique qui transforme des biens élémentaires comme l’énergie et l’eau en produits de marché seulement accessibles à ceux qui peuvent les acheter. C’est aussi assurer que la transition énergétique qui va devoir s’opérer soit juste, accessible à tous, et ne serve pas encore à augmenter les inégalités. C’est enfin construire de nouvelles solidarités à toutes les échelles du territoire, pour rétablir l’équité entre les territoires, comme entre leurs habitants.
Intégrer la sauvegarde la planète dans notre projet, ce n’est pas seulement modifier les comportements individuels. Il ne s’agit pas seulement de demander à celui qui cultive son potager d’enlever les mauvaises herbes à quatre pattes, si nous ne nous rendons pas capables, en même temps, de lutter contre Mosanto.
Pour toutes ces raisons, plusieurs sections auraient préféré que l’écosocialisme fasse l’objet d’un préambule définissant un nouveau cadre d’action et de réflexion et auraient préféré renvoyer les propositions spécifiques dans chacun des chapitres soumis à votre approbation. Cette manière de faire aurait eu le mérite de la cohérence, mais avec comme inconvénient possible de noyer le propos.
Nous avons dès lors opté pour le pragmatisme en agissant à deux niveaux :
- d’une part, vous trouverez des amendements clefs qui soutiennent le modèle de développement durable socialiste entrelardés dans tous les chapitres;
- d’autre part, nous avons amendé le chapitre consacré à l’écosocialisme pour lui donner une coloration plus spécifiquement transversale et… socialiste.
En faisant l’exercice, un domaine a résisté à l’amendement ponctuel, c’est le logement. Nous avons voulu en faire un chapitre à part entière, et considérer que la priorité des priorités d’un projet écosocialiste, c’était de concrétiser le droit au logement. Il ne s’agit pas seulement de savoir comment placer au mieux les panneaux solaires sur le toit sans se préoccuper d’abord qu’en dessous du toit, chacun puisse bénéficier d’un logement digne, conforme à ses aspirations légitimes.
Il nous a aussi semblé indispensable qu’une proposition socialiste en matière de logement, tout écosocialiste qu’elle soit, ne fasse pas l’impasse sur la lutte contre la spéculation immobilière ou ne soit pas muette quant à la nécessité de développer et améliorer le logement social.
Nous avons envisagé la question du logement selon trois axes :
- l’intervention directe du secteur public en matière de production et de subsidiation de logements accessibles à tous qui rencontrent les besoins diversifiés des modes de vie d’aujourd’hui ;
- le pouvoir de régulation et d’encadrement du pouvoir public sur le marché privé du logement qui doit mieux et plus qu’aujourd’hui contribuer à la concrétisation du droit au logement ;
- l’aide personnelle à apporter aux citoyens pour que les plus faibles d’entre eux puissent accéder à un logement en fonction de leur capacité contributive.
Loin d’être un modèle abstrait, l’écosocialisme tel que le veulent les militants bruxellois doit proposer aujourd’hui une alternative concrète pour affronter la crise écologique qui menace l’humanité, en en faisant un levier vers plus d’égalité et plus de démocratie. A Bruxelles, le modèle écosocialiste que nous aurons à construire est celui d’une ville plus rouge, plus verte et plus inclusive vis-à-vis de tous ses habitants. Je pense très sincèrement que si le texte proposé aujourd’hui n’a pas encore complètement atteint tous ces objectifs, on avance dans la bonne direction et qu’il ne tiendra qu’à nous de travailler pour aller plus loin.